Lettre à un ami

La mort est proche. Je pourrais dire que je la regarde déjà dans les yeux. Il me semble que je commence à mieux comprendre mon passé. Lui aussi s’est rapproché de moi. Et maintenant, je peux aussi le regarder dans les yeux.

Youri Olecha, du temps où nous étions amis, me raconta un jour la parabole suivante. Un scarabée tombe amoureux d’une chenille. C’est un amour réciproque. Mais soudain la chenille meurt. Elle est là, qui gît, enveloppée dans son cocon. Le scarabée se lamente sue le cadavre de sa bien-aimée. Soudain, le cocon éclate, et un papillon en sort. Surpris par ce bruit, le scarabée décide de régler son compte au papillon qui l’a troublé dans son chagrin sur le cadavre de sa bien-aimée. Il vole vers lui et s’aperçoit soudain qu’il reconnaît les yeux du papillon. Ce sont les mêmes que ceux de la chenille. Et dire qu’il avait failli le tuer ! Car tout est neuf, seuls les yeux sont restés les mêmes. Et le scarabée vécut très heureux avec le papillon. Mais pour cela, il faut se regarder au fond des yeux. Et tout le monde n’y arrive pas. Parfois une vie entière peut ne pas y suffire.

Dimitri Dimitrievitch Chostakovitch (1906 – 1975)